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TitreLe Samouraï Virtuel     AuteurNeal STEPHENSON     GenreS-F


Les Livres

Le Samouraï Virtuel
01 -Le Samouraï Virtuel(1992)- n° 7221
> Prix : - GP IMAGINAIRE (Étranger) 1997

L'Histoire par Philippe PASTOR   le 20/01/2003.

Le décor est comme il se doit un futur relativement proche et extrêmement technologique et l'action dans le monde réel se situe sur la côte californienne. Il suffit cependant de chausser ses lunettes pixellisées pour se retrouver dans la virtualité du Métavers, une sphère de 65536 kms de circonférence à la surface de laquelle pousse une civilisation-champignon. Son "centre-ville" ressemble à un Manhattan surmultiplié, ses loyers y sont exorbitants, mais on peut y rencontrer les avatars des stars et des puissants de la Réalité.
Deux personnages principaux, Hiro Protagoniste et Y.T., tiennent le devant de la scène; le premier est un ex-hacker livreur de pizzas pour la Mafia, la seconde une pétulante messagère en planche à roulette qui harponne les véhicules au filin pour circuler sur les artères de Los Angeles. Autour d'eux gravitent des représentants plutôt caricaturaux d'une humanité diversifiée en clans, "franchulats" et états autonomes de la taille d'un fast-food.


Mon Avis par Philippe PASTOR   le 20/01/2003.

Publié aux États-Unis en 1992 sous le titre plus heureux de "Snow Crash", ce roman cyberpunk constitua un événement chez les fans américains.

On comprend très vite que, malgré un descriptif précis — cyber oblige — du décor et objets technos attenants, le but de Stephenson n'est pas de nous immerger dans un univers réaliste. Sa narration un peu distanciée, son humour décapant nous offrent des moments parfois intenses et souvent très drôles.
Le roman démarre sur un bon rythme, vivant et accrocheur. Au fil des pages cependant, la distanciation se fait toujours plus grande et le lecteur passe doucement de la passion à l'intérêt, pour terminer par la curiosité.
Cette vision du genre cyberpunk est personnelle et originale mais donne parfois, sur la fin, l'impression désagréable de lire un manga romancé.

Cependant les bonnes idées grouillent; chaque chapitre nous offre des descriptions et des trouvailles qui vont de l'inquiétant à l'hilarant, et c'est finalement l'intérêt satirique qui prend définitivement le dessus. La critique de la société américaine y est féroce; la concurrence mondiale a évincé les U.S.A. de la plupart des marchés économiques, et les seules choses qu'on y fait mieux qu'ailleurs sont la musique, les films, la microprogrammation et la pizza-express à domicile (une vision qu'on ne peut s'empêcher de trouver encore trop optimiste !). Dans ce pays partagé en milliers d'enclaves le Président des États-unis peut circuler sans être inquiété : personne ne le connaît : il n'est qu'un chef d'État parmi des dizaines de milliers (si ça pouvait être vrai !). Les propriétés sont gardées par des chiens cyborgs alimentés à l'énergie atomique, et Le F.B.I. est un nid de maniaques paranoïaques et mesquins qui passent leur temps à faire subir à leurs employés sous-payés d'abominables séances de détecteur de mensonge.
Stephenson, de manière étonnante, caresse la Mafia dans le sens du poil, décrivant son dirigeant, Tonton Enzo, comme un gentleman à l'ancienne mode, paternaliste mais attachant, facilement capable d'affection... Un choix irréaliste, peu judicieux et pas même original, sur l'intérêt et les motifs duquel on peut s'interroger.

L'aspect le plus fouillé du roman réside dans sa réflexion historico-linguistique. Un mystérieux Raven — sans doute le personnage le mieux traité du roman, sombre Aléoute portant le deuil de son peuple et la haine de ses oppresseurs américain, japonais et russe — répand dans le Métavers un virus superpuissant, le Snow Crash, qui fait non seulement crasher les systèmes informatiques mais aussi le cerveau des hackers, culturellement sensibilisés au binaire. Il semblerait que ce virus ait été conçu à partir d'antiques tablettes d'argile sumériennes, lesquelles recèleraient le secret d'un langage originel qui s'adresserait directement à notre cerveau primaire. Le propos prend par la suite une ampleur plus grande encore, mais il serait criminel de le déflorer.

L'argument vaut aussi par les intéressantes digressions que Stephenson y articule, à savoir le mystère qui entoure l'antique civilisation mésopotamienne (4000 av. J.C.), qui inventa l'écriture, et dont les tablettes font partie des tous premiers textes écrits de l'histoire de l'humanité. Inutile de dire que la Bible, le Coran, le Mahâbhârata et même (snif !) l'Iliade et l'Odyssée ne sont que nourrissons babillants auprès d'un tel ancêtre ! Une civilisation dont "rien ne permet [de] situer le point de départ et l'apparentement" du langage, selon Jean Bottéro, le spécialiste français de la question, et qui disparut peu à peu faute sans doute de sang neuf.
Neal Stephenson, pour appuyer son propos, exagère l'étrangeté supposée de cette civilisation au point parfois de donner d'elle un aspect proche du non-humain. C'est un procédé littéraire qui en vaut un autre, mais on peut éprouver le besoin de rétablir l'image réelle de ce peuple prodigieux qu'étaient les sumériens, cette éclatante civilisation qui a non seulement été la première à fixer et diffuser la pensée, mais encore qui a la première consigné des chroniques ayant donné jour à des légendes pleines de beauté, de poésie et d'intelligence, et d'une force fracassante.

Les conclusions à tirer de tout ceci sont qu'on peut lire avec plaisir "Le Samouraï Virtuel", mais surtout qu'on doit lire "L'Épopée de Gilgamesh", le plus ancien texte de l'histoire de l'humanité et, peut-être... le premier livre de S.F. ?



Votre Avis


par Sylvain GAY   le 09/05/2010.
C'est vrai que ce roman est surprenant.
L'auteur réussit à rapprocher des domaines qui n'ont pas grand chose de commun au départ mais il le fait avec grand talent, et ça marche.

A propos des Etats, il est vrai qu'ils sont en voie de disparition et on imagine que bientôt ils n'existeront plus (ce qui est le stade décrit dans "L'âge de diamant").
L'idée d'utiliser la mafia peut choquer mais c'est aussi ça la Science Fiction...




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Dernière modification de cette page le Dimanche 9 Mai 2010